
Sous le soleil estival, les livres de développement personnel promettent épanouissement, confiance et transformation intérieure. Mais derrière leurs couvertures chatoyantes et leurs slogans inspirants, ces ouvrages relèvent davantage de la recette magique que du véritable cheminement intellectuel. La philosophe Julia de Funès tire la sonnette d’alarme.
Parés pour les vacances, bon nombre de lecteurs glissent dans leurs valises un ouvrage de développement personnel, espérant qu’entre deux baignades, ils trouveront enfin les clés de la réussite ou du bonheur. Des titres aux allures de mantras – Devenez la meilleure version de vous-même, Libérez votre potentiel, Les 7 lois du succès durable – inondent les rayons des librairies, portés par une promesse séduisante : celle d’un changement immédiat, accessible à tous, et sans douleur.
Mais selon Julia de Funès, ces livres relèvent d’une grande supercherie intellectuelle. Dans une tribune récente publiée dans L’Express, la philosophe dénonce une littérature qui vend du rêve à coup de conseils creux, de recettes universelles, et de pseudo-philosophie bienveillante. « À force de vouloir tout expliquer, tout maîtriser, le développement personnel appauvrit notre rapport au réel », estime-t-elle.
Une volonté érigée en dogme
Premier angle de critique : la toute-puissance de la volonté. La plupart de ces ouvrages partent du principe qu’il suffit de vouloir pour pouvoir. Une illusion dangereuse selon la philosophe, qui rappelle que l’action humaine est soumise à des contraintes – sociales, psychologiques, économiques – bien plus complexes. Résultat : lorsque le changement n’advient pas, le lecteur finit par se sentir fautif. Il n’a pas « assez voulu », « pas assez visualisé ». Le mal-être est réinterprété comme un manque d’effort.
Trop d’introspection tue l’action
Autre travers pointé par Julia de Funès : cette obsession contemporaine de l’introspection. Ces lectures incitent à se replier sur soi, à « chercher en soi des réponses » plutôt qu’à expérimenter le monde. Une démarche contre-productive, selon elle. « La conscience de soi ne naît pas d’une observation passive, mais de l’action, de l’engagement, de la confrontation au réel. » Autrement dit : pour devenir soi, encore faut-il sortir de soi.
Le moi en mode start-up
Derrière l’essor du développement personnel se cache aussi une logique managériale, mercantile. Le lecteur devient un projet à optimiser : il doit mieux gérer son temps, mieux canaliser ses émotions, mieux orienter ses relations. Mais cette logique de performance appliquée à l’intime finit par déshumaniser l’individu. « L’existence n’est pas une entreprise », tranche Julia de Funès. Elle rejette cette idée que la vie devrait être gérée comme un tableau Excel ou une checklist.
Le mirage d’un bonheur préformaté
Ce que ces ouvrages promettent, au fond, c’est une forme de bonheur standardisé. Un idéal consensuel, lisse, déconnecté des aspérités de la vie réelle. En cela, ils ne libèrent pas, mais aliènent. Car en imposant une norme de bien-être, ils font peser sur chacun une pression supplémentaire : celle de devoir être heureux, coûte que coûte.
Un marché lucratif, une pensée pauvre
La critique de Julia de Funès s’inscrit dans une réflexion plus large sur les dérives d’un marché estimé à plusieurs dizaines de millions d’euros. Si certaines approches sérieuses existent, le secteur du développement personnel est aussi peu encadré, ce qui favorise les abus – entre auto-proclamés « coachs de vie » et méthodes miracles sans fondement scientifique.
Au final, plutôt que de chercher à se « développer » à tout prix, la philosophe invite à vivre pleinement, à accepter les contradictions, les lenteurs, les imprévus. Car le développement personnel, en prétendant offrir toutes les réponses, oublie une chose essentielle : la vie ne se résume pas à une méthode.