La majorité des pays africains diversifiant leurs sources de revenus traditionnelles, l’entrepreneuriat est de plus en plus considéré comme une clé de la croissance économique. Jusqu’à présent, l’entrepreneuriat a produit des rendements énormes pour les entrepreneurs, et selon les experts, il recèle un énorme potentiel inexploité pouvant mener le continent africain à sa prochaine phase de développement.
Une étude publiée en juin 2015 par Approved Index, un groupe de réseautage d’affaires basé au Royaume-Uni, a classé l’Afrique parmi les meilleurs dans le domaine de l’entrepreneuriat. Comme témoignage de l’étoile montante du continent, le Rapport Entrepreneurship around the World a cité l’Ouganda, l’Angola, le Cameroun et le Botswana parmi les dix premiers en matière d’entrepreneuriat. Le groupe voit l’entrepreneuriat comme une « nécessité » à une période de fort taux d’emploi, en disant : « Quand le chômage est élevé et que l’économie est plus faible, les gens sont obligés de créer de petites entreprises pour subvenir à leurs besoins personnels et à ceux de leurs familles. »
Aujourd’hui, l’entrepreneuriat est considéré comme l’un des outils les plus durables de création d’emplois en Afrique. Roselyn Vusia, un défenseur des droits de l’homme, souligne que le chômage des jeunes en Ouganda estimé à 83 %, selon le rapport 2014 de la Banque africaine de développement, est l’un des plus élevés d’Afrique.
Le taux de chômage sur le continent est également inquiétant. Une étude réalisée en 2013 par la Brookings Institution, un groupe de réflexion basé à Washington, a constaté que la jeunesse africaine (15-24 ans) représente environ 37 % de la population active. Cette même tranche d’âge, cependant, représente environ 60 % des sans emploi en Afrique.
Kwame Owino de l’Institut des affaires économiques (IEA), un groupe de réflexion basé à Nairobi, déclare : « une forte population jeune, de mauvais choix politiques et un manque de plans globaux pour l’emploi dans de nombreux pays africains alimentent les taux de chômage élevés. »
Mme Vusia décrit une approche proactive : « Le gouvernement ougandais a mis en œuvre une stratégie d’entrepreneuriat axée sur le développement des compétences, la fourniture des ressources et l’accès aux marchés. Elle semble porter ses fruits », affirme-t-elle.
L’importance de l’entrepreneuriat a été soulignée au Sommet mondial de l’entrepreneuriat qui s’est tenu en juillet 2015 à Nairobi, la capitale kényane, en présence notamment du président des Etats-Unis, Barack Obama, d’entrepreneurs de plus de 100 pays et d’un groupe d’investisseurs américains.
Prenant la parole lors de ce sommet, le Président Obama a salué l’entrepreneuriat pour ce qu’il représente pour l’Afrique. Les participants au Sommet ont convenu avec lui que l’entrepreneuriat est l’un des facteurs clés de la boîte à outils contre le chômage des jeunes en Afrique, où vit la population la plus jeune au monde.
« L’entrepreneuriat crée de nouveaux emplois et de nouvelles entreprises, de nouvelles façons de fournir des services de base, de nouvelles façons de voir le monde – il est l’étincelle de la prospérité », a déclaré M. Obama au sommet.
Selon Evans Wadongo, présenté par Forbes Africa comme l’un des jeunes entrepreneurs les plus prometteurs d’Afrique, de nombreux gouvernements africains n’ont pas été enclins à élaborer des politiques qui permettraient de prévenir considérablement le chômage des jeunes .
« Les gouvernements ne font pas assez. Le secteur privé s’en sort tant bien que mal, mais la plupart des produits introduits sur le marché africain proviennent de Chine. Cela prive les jeunes d’emplois manufacturiers tant recherchés, qui exigent plus de main-d’œuvre », dit-il.
Le succès engendre le succès
Le Chef de cabinet du Ministère kényan de l’industrialisation et du développement des entreprises, Adan Mohammed, défend les politiques de la plupart des gouvernements africains, en disant que leurs efforts suscitent la confiance en le continent et permettent à davantage de jeunes de se tourner vers l’entrepreneuriat.
« Le succès engendre le succès – de nombreux entrepreneurs tirant leur épingle du jeu, d’autres suivent leur exemple. En outre, les inventions technologiques attirent les entrepreneurs », affirme M. Mohammed. « L’état d’esprit a changé et beaucoup de jeunes gens pensent comme des employeurs. De nombreux gouvernements africains ont créé des opportunités en termes de financement et d’accès aux marchés ».
Parlant de l’augmentation des investissements étrangers et de la croissance économique en Afrique, le Premier ministre ougandais, Ruhakana Rugunda, a déclaré que les efforts déployés par son gouvernement pour promouvoir la culture entrepreneuriale ont produit des « résultats remarquables. » C’est ainsi que le Fonds de capital-risque destiné aux jeunes et géré par l’État permet de former les jeunes qui ont de bonnes idées commerciales et de leur donner de l’argent. Le gouvernement aide également les jeunes entrepreneurs à commercialiser leurs produits.
Plus important encore, les jeunes constituant plus de 75 % de sa population, l’Ouganda a remodelé son système éducatif afin d’inclure l’entrepreneuriat au nombre des disciplines enseignées dans les lycées et les collèges. En outre, avec l’aide du secteur privé et des agences de développement, le gouvernement a mis en place des centres d’information, de communication et d’innovation technologique qui permettent aux entrepreneurs de créer de jeunes entreprises prospères.
Créer un environnement favorable
Au Kenya, Eric Kinoti, le Directeur général du groupe Safisana Home Services, une entreprise qui fournit des services de nettoyage, espère que le gouvernement va suivre l’exemple de l’Ouganda et créer un environnement propice à l’entrepreneuriat susceptible de créer des emplois jeunes.
« De nombreuses institutions financières au Kenya s’attendent à ce que les jeunes fournissent des garanties, mais seuls quelques investisseurs sont prêts à investir dans les idées des jeunes »,
note M. Kinoti, qui encadre d’autres jeunes entrepreneurs et figure dans le classement Forbes des 30 de moins de 30 ans d’Afrique.
L’inaccessibilité des fonds de roulement entrave l’entrepreneuriat au Kenya. Même si le gouvernement a créé le Fonds pour le développement de l’entrepreneuriat jeune (YEDF) et le Fonds Uwezo pour soutenir l’entrepreneuriat chez les jeunes, les contraintes budgétaires limitent l’impact de ces fonds.
« L’entrepreneuriat, s’il est bien géré, peut créer plus d’emplois sur le continent et renforcer la classe moyenne ce qui est indispensable à la croissance économique. Il est nécessaire d’intégrer la formation en matière d’entrepreneuriat à l’éducation formelle en Afrique pour préparer les jeunes à l’avenir », affirme M. Wadongo.
Au Cameroun, Olivia Mukami, Présidente fondatrice de Harambe-Cameroun, une organisation d’entrepreneuriat social, insiste sur le fait que l’Afrique doit accorder la priorité au chômage des jeunes : « Les pays africains sont assis sur une bombe à retardement et s’ils ne changent pas, elle va exploser ».
Mme Mukami déclare qu’en plus de contribuer à la création d’emplois, l’entrepreneuriat peut aussi aider le continent à résoudre certains des problèmes sociaux qui entravent les progrès. « Je me réjouis que le gouvernement camerounais ait fait de l’entrepreneuriat une priorité en tant que pilier essentiel du Cameroun: Vision 2035, » dit-elle.
Andrew Wujung, professeur d’économie à l’Université de Bamenda au Cameroun, attribue l’effort d’entrepreneuriat du pays à sa stratégie unique de réduction de la pauvreté. À la différence d’autres pays d’Afrique, la stratégie de réduction de la pauvreté du Cameroun est liée à l’entrepreneuriat. En outre, le gouvernement organise des programmes d’acquisition de compétences solides et de formation à l’attention des entrepreneurs et facilite l’accès au crédit des personnes ayant des idées innovantes sur le plan technologique et commercial.
Relever les défis
Pour que l’entrepreneuriat ait de forts retentissements sur l’économie africaine, les gouvernements doivent relever certains des plus grands défis qui en entravent la progression, dont le manque de fonds, d’encadrement approprié et d’efficacité des politiques publiques. En outre, les gouvernements africains devraient envisager d’offrir des mesures incitatives au secteur privé par le biais d’allègements fiscaux pour créer plus d’emplois. Les lois et les règlements devraient favoriser les entrepreneurs.
M. Mohammed affirme que l’Afrique est sur la bonne voie. Mais pour récolter les fruits de l’entrepreneuriat, il faut des stratégies et des politiques efficaces afin de créer davantage d’emplois au sein des petites et moyennes entreprises.
Raphael Obonyo
Représentant de l’Afrique auprès de l’Organisme mondial de coordination de la Banque mondiale et membre de la Fondation Ford.